|8|
・━━━━━━━━━━━━ † ━━━━━━━━━━━━・
・━━━━━━━━━━━━ † ━━━━━━━━━━━━・
RAÄVENA
▃▃▃▃▃▃▃▃▃▃▃▃▃▃▃▃▃▃▃
⧫
L'hybride plissa subtilement mes yeux clairs en me dévisageant comme si je venais de proférer une aberration.
— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, déclara Erzaren.
— Pourquoi ? C'est mieux de la laisser souffrir ? Tu crois que le fait qu'elle soit blessée les empêchera de se montrer cruels envers elle ? Au contraire, ils useront et abuseront de ce corps faible et blessé. Ils lui feront même encore plus de mal parce qu'elle sera incapable d'accomplir les tâches les plus simples.
Le métis pinça légèrement les lèvres face à cela, je savais qu'il n'était pas comme eux, sinon il ne nous aurait pas fourni de sang en secret et ne serait pas intervenu un peu plus tôt. Il n'avait pas de raison de ne pas lui venir en aide, après tout, ce ne serait pas moi qui le dénoncerais si... une idée germa soudainement dans mon esprit.
— Enfin si tu refuses, je peux toujours t'y contraindre, dis-je avec calme.
— Quoi ? Comment ça ?!
— Ce serait fâcheux qu'on découvre que tu nous as donné du sang, pas vrai ? Le seigneur Aolis ne risque pas de se montrer clément vis-à-vis de cela, il y percevra certainement de la traitrise. Un hybride qui a choisi les vampires plutôt que les elfes, non, ça ne passera pas à mes yeux.
Je vis sa bouche s'entrouvrir légèrement alors qu'une expression outrée et quelque peu paniquée se peignit sur mes traits. Je restais stoïque face à cela, c'était bas comme comportement, mais avoir une noble attitude ne résolvait pas tous les problèmes, très peu en réalité. Mes iris rouges toujours plantés dans ceux plus clairs de l'hybride, j'attendais une réponse de sa part, en sachant que je mettrais ma menace à exécution. Je le vis détourner les yeux pour les poser sur le dos meurtri de la jeune vampire. Les plaies continuaient de saigner et Valaine était parfois prise de spasmes de douleur, incapable de se régénérer malgré le sang ingéré plus tôt dans la journée. Un soupir échappa finalement à Erzaren qui passa une main dans ses cheveux déjà légèrement en bataille.
— Très bien, je vais t'aider, dit-il d'un ton résigné, de quoi tu as besoin ?
— Donne-moi ton sang.
— Hein ?!
— Je suis trop faible pour faire ce que je veux faire actuellement, j'ai besoin de sang frais pour pouvoir l'aider. Laisse-moi boire le tien.
— Je ne peux pas faire ça ! s'écria-t-il en se redressant. Rien ne me dit que tu ne vas pas me tuer avant d'essayer de t'enfuir !
Je ne pus m'empêcher de rouler des yeux face à cette réflexion sensée, mais en même temps d'une bêtise affligeante.
— Crois-tu réellement que je prendrai le risque de tenter quelque chose d'aussi stupide alors que nous sommes entourés d'elfes prêts à me trancher la tête au moindre faux pas ? Je ne suis pas une idiote, ce genre d'idées suicidaires ne m'a pas traversé l'esprit une seule seconde. Tout ce que je veux, c'est aider l'une des miens qui est actuellement en souffrance.
Je pouvais deviner son hésitation et sa méfiance, mais je n'étais pas en train de lui mentir. Je ne prendrais pas le risque de finir avec ma tête au bout d'un pic. L'hybride cogita un peu avant de relever sa manche en me présenter son bras, je m'approchai, les yeux rivés sur son poignet. Je sentis son sang circuler dans ses veines, ce qui me fit saliver, alors que son rythme cardiaque gagnait en intensité. En douceur, je m'emparai de l'extrémité tendue et la porta à mes lèvres. Ma langue glissa contre la peau bronzée pour la goûter et le métis frémit à ce contact humide. Relevant les yeux, j'observai ses joues légèrement rougies et son regard fuyant, je ne pus m'empêcher de m'en amuser. Mes crocs se dévoilèrent lorsque j'ouvris la bouche, puis s'enfoncèrent dans la chair tendre, arrachant un petit son de douleur à mon repas.
L'hémoglobine jaillit et émoustilla mes papilles.
Un gémissement de plaisir m'échappa alors que je buvais goulûment le liquide ferreux. Il avait une saveur singulière, je ne savais pas vraiment dire quoi, mais il y avait un relent d'épice dans son sang. Est-ce que tous les hybrides avaient un goût aussi particulier ?
— Raävena, doucement !
Je ne devais pas le tuer, mais il m'était difficile de détacher ma bouche de cette source de sang frais. Je bus encore quelques gorgées avant de libérer son poignet, ma langue glissa sur mes lèvres pour récolter le liquide écarlate qui s'y trouvait. Ma poigne se referma sur la zone blessée et la plaie ne tarda pas à disparaitre, de même que les minces filets pourpres qui s'en échappaient. Cela fit ouvrir grand les yeux à Erzaren qui observa sa peau qui avait retrouvé son aspect d'origine comme si rien ne s'était passé.
— Comment est-ce que... ?
— C'est un des pouvoirs que je possède, répondis-je en tendant la main au-dessus du corps de Valaine.
Mes pupilles se commencèrent à luire d'un rouge intense alors que la chair meurtrie se mit à travailler activement. Les muscles apparents se ressoudaient entre eux doucement, donnant l'illusion qu'une aiguille invisible était en train de les recoudre avec attention. L'hybride retira ses lunettes et observa le spectacle qui s'offrait à lui avec fascination.
— Stimuler le sang et la régénération naturelle des êtres vivants. Mais je peux aussi aggraver leurs plaies ou détruire leur sang. Si les vampires sont sous-alimentés, ce n'est pas sans raison, surtout lorsqu'ils sont de sang pur.
— Prodigieux, commenta le jeune homme.
Ce commentaire me tira un minuscule rictus en coin alors que je regardais la chair de ma consœur presque intégralement reconstruite, même si je ne parvins pas à résorber tout à fait ses blessures. User de ce pouvoir demandait une très grande quantité d'énergie. Même en ayant ingéré une importante dose de sang frais, j'avais été bien trop mal nourrie auparavant pour pouvoir me révéler dans mon plein potentiel. Mes jambes se mirent à flageoler et je m'écroulai devant le couchage, me retenant au bord de celui-ci. Le monde autour de moi tanguait dangereusement, comme le ferait un bateau sur une mer déchaînée. Mon regard croisa celui de la jeune esclave pendant un instant et je parvins à lire sur mes lèvres le mot : « Merci ».
Je hochai faiblement la tête avant de tomber de fatigue. Mon sommeil fut lourd et dénué du moindre rêve.
***
Les jours suivants furent particulièrement pénibles pour moi.
J'étais épuisée de mon intervention sur Valaine et même les tâches les plus simples étaient éreintantes. Mais je ne laissais rien paraitre, bien que ma mauvaise mine me trahisse. Est-ce que pour autant on me donnait moins de travail ? Aucunement. La moindre erreur était douloureusement sanctionnée. Pourtant, un point m'avait amusée dans tout cela : le roi. Je continuais de lui apporter ses repas, mais il me renvoyait à peine les avais-je posés sur la table. Il était clair qu'il cherchait à limiter les interactions entre nous au strict minimum. Sa perte de contrôle de la dernière fois avait dû lui rester en travers de la gorge. Il n'y avait pas plus grande honte pour un elfe que de céder ainsi face à un vampire. Cette situation était extrêmement satisfaisante pour moi, parce que c'était une victoire encore plus importante que ce que j'avais imaginé. Même si je n'étais pas certaine que me retrouver entre le frère et la sœur soit réellement un avantage pour moi.
Car contrairement à son aîné, Edea était bien plus honnête vis-à-vis de ses actes avec moi. Je menais toujours la danse quand la noble dame m'appelait pour m'occuper d'elle lorsqu'elle prenait son bain, mais cette dernière persistait à avoir des élans d'affection pour ma personne. C'était quelque chose que je ne comprenais pas. Et peut-être valait-il mieux que je ne cherche pas à saisir ce qui se passait dans la tête de la sœur d'Aolis. Sans oublier que quelque chose d'autre me préoccupait ces jours-ci. C'était subtil, mais l'odeur abjecte que j'avais respirée sur ces loups se faisait de temps en temps sentir sur le camp sans que je ne sache d'où cela pouvait venir. Elle apparaissait et disparaissait aussitôt. Je m'étais montrée attentive, mais impossible d'en identifier la source.
Des animaux auraient déjà attaqué, guidés uniquement par leur instinct. Alors quoi ? L'idée de cette chose que j'avais entre aperçus me revint à l'esprit, mais encore une fois, je n'étais pas certaine qu'il ne s'agisse pas d'une fabulation de mon cerveau. Ça me contrariait, pas de savoir que ces créatures aux oreilles pointues soient sans doute en danger, je m'inquiétais surtout pour ma propre vie et un peu celle de mes congénères. Si un danger rôdait, je voulais... non, je devais anticiper d'où il allait surgir. De cette façon, on pourrait peut-être limiter les pertes de notre côté. Un coup de coude m'arracha à mes réflexions, je jetai un coup d'œil à celui qui avait fait ça. Tearle me glissa un regard discret avant de désigner le linge à plier d'un faible mouvement de tête. M'indiquant ainsi sans mot de me remettre au travail. Même si l'on se trouvait à l'arrière de notre carriole, il y avait tout de même des gardes qui étaient là pour nous surveiller et nous punir.
Même si c'était bien la première fois qu'on nous confiait une tâche alors que le cortège avançait. J'aurais préféré profiter du calme offert par les bois, les chants des oiseaux et le bruit du vent, plutôt que de devoir m'occuper de plier ces morceaux de tissu hors de prix.
— Dites, commençai-je à voix basse, vous avez senti quelque chose d'étrange ces derniers jours ?
Ma question provoqua chez les vampires une réaction inattendue. Ils se guettaient mutuellement comme s'ils cherchaient l'approbation les uns des autres. Puis tous les yeux se tournèrent dans ma direction, ce qui me fit hausser légèrement un sourcil. Ce fut Paine qui prit la parole.
— De quoi parles-tu exactement ?
— Une odeur.
— Celle de charogne pourrie avec laquelle tu es revenue lors de l'attaque des loups quelques jours plus tôt ? poursuivit Qadir.
Je hochai positivement la tête.
— Je l'ai sentie, avoua Valaine tout doucement. Mais jamais très longtemps.
— Ça repart aussi vite que ça arrive, enchaîna Tearle.
Donc ça confirmait bien ma théorie que quelque chose de dangereux se terrait tout près de nous. Il fallait maintenant réussir à savoir quoi. Le convoi s'arrêta soudainement, faisant pousser un petit gémissement de surprise à Valaine. Qu'est-ce qu'il se passait encore ? Je penchai la tête hors de la carriole pour essayer d'apercevoir quelque chose, mais nous nous trouvions trop loin pour que je parvienne à distinguer quoi que ce soit. Un coup sur le haut du front me fit brusquement reculer et retourner à ma place. La douleur ne tarda pas à irradier depuis la zone touchée, me forçant à y déposer ma main pour tenter de l'atténuer quelque peu. Au moins, il n'avait pas frappé assez fort pour me blesser, je ne sentais pas l'odeur du sang.
— Reste tranquille, parasite, m'ordonna sèchement le soldat. Et vous autres, tenez-vous bien, nous arrivons, le moindre faux pas et votre tête tombera.
Arriver ? Oh ! Cela voulait donc dire que nous venions d'atteindre la colonie mère des ashias.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top